Interview in French with René Lehnherr, initiator of the Monsanto Tribunal

In its March 29th 2017 issue, the Swiss weekly paper l'Evénement Syndical publishes an article on the Monsanto Tribunal and an interview with the project initiator René Lehnherr. It is only available in French.

Retrouvez le lien vers l'article et l'interview en bas de page.

Quelle est l’origine du Tribunal Monsanto?

Il y a quelques années, trois paysans colombiens invités par Longo Maï et le Forum civique européen, ont fait une tournée d’informations sur les conséquences du contrat de libre-échange entre les Etats-Unis et la Colombie. Ils nous ont raconté comment Monsanto avait fait pression pour changer la loi agricole en sa faveur, obligeant les paysans à acheter ses semences. Ceux qui ont désobéi ont vu leurs semences traditionnelles être détruites par la police. Des milliers de tonnes. Heureusement, la loi a changé depuis. Une sorte de compromis a été trouvé: les paysans peuvent réutiliser leurs propres semences mais n’ont pas le droit ni de les vendre ni de les échanger (ce qui oblige tout de même les jeunes paysans qui souhaitent ouvrir une ferme d’acheter les semences de Monsanto…). Au même moment, le Parlement européen discutait des patentes sur les semences, refusées heureusement, malgré la force du lobby de l’industrie agro-chimique. Je me suis alors beaucoup informé sur  Monsanto. Au point de vouloir porter plainte contre la société auprès de la Cour pénale internationale (CPI). Le problème, c’est que les Américains se sont retirés de la CPI. Il est même possible pour le gouvernement des Etats-Unis d’autoriser une action militaire en cas d’arrestation d’un Américain. C’est écrit noir sur blanc! Ce n’était donc pas une option. J’ai alors pensé à créer un tribunal citoyen, le Tribunal Monsanto, afin de délibérer sur les crimes contre l’humanité et contre l’environnement de la multinationale.

Vous avez réussi à convaincre une trentaine de personnalités pour mettre sur pied ce tribunal international…

Dans les premiers intéressés, il y a eu notamment Hans Rudolf Herren (premier Suisse à recevoir le prix mondial de l’alimentation, fondateur de Biovision),  Corinne Lepage (députée européenne, présidente du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique). Puis Olivier de Schutter (ancien rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation du Conseil des droits de l’Homme à l’ONU) a eu un rôle clé dans le conseil juridique, en associant également ses étudiants à la recherche. L’appui de Marie-Monique Robin – réalisatrice du documentaire «Le Monde selon Monsanto » – a été essentiel. Elle a activé tout son réseau. L’activiste Vandana Shiva nous a rejoint… L’idée a pris forme de constituer un tribunal qui se base sur le droit existant, non pas comme le Tribunal Russel qui s’appuie sur la morale (tribunal d’opinion pour dénoncer la politique des Etats-Unis dans le contexte de la guerre du Vietnam en 1966, ndlr).

Durant ces deux jours d’audiences, une trentaine de personnes du monde entier ont témoigné. Parallèlement, une Assemblée des peuples s’est tenue…

Oui, cette Assemblée avait pour objectif de montrer les alternatives à l’agro-industrie, car Monsanto et les autres multinationales ne cessent de dire que seules leurs techniques peuvent nourrir l’humanité. Or, c’est faux. Au contraire, si on pouvait chiffrer tous ses dégâts environnementaux et humains, et lui imposer de les payer, la société ferait faillite. Elle doit des centaines de milliards de dollars. Même chose pour Bayer, ou d’autres multinationales. Ce serait bien que des organisations de l’ONU mènent une telle étude…

En parlant du leader de la pharma Bayer, où en est son rachat de Monsanto pour 66 milliards de dollars?

Les autorités de régulation de la concurrence d’une trentaine de pays doivent maintenant accepter ou non cette fusion. Le comité du Tribunal Monsanto a d’ailleurs écrit une lettre le 15 mars dernier pour informer ces organes des risques d’un tel mariage et les rendre attentifs sur l’importance que Bayer prenne la responsabilité des conséquences liées aux activités de Monsanto. Le cas de Bhopal en Inde montre que des rachats peuvent permettre à des compagnies d’échapper à leurs responsabilités. L’année dernière, nous avons posé la même question à Werner Baumann, CEO de Bayer, car dans la presse allemande il s’était dit ouvert aux dialogues avec les ONG. Or, nous n’avons reçu que des réponses standard et aucun rendez-vous. D’ailleurs, Monsanto et  Bayer auraient collaboré dans le développement de l’agent orange. Cette fusion fait penser que Monsanto veut nous refiler ses produits pour nous rendre  malade et Bayer ses médicaments…

Qu’attendez-vous de l’avis de droit du Tribunal Monsanto le 18 avril prochain et comment appréhendez-vous la suite de la lutte?

Nous attendions cet avis en décembre déjà, mais le dossier était si épais qu’il a  fallu beaucoup plus de temps. Je ne sais pas ce que vont dire les juges. Mais  nous espérons que cet avis nous permette de continuer notre travail de pression et de sensibilisation de l’opinion pour que la notion d’écocide soit reconnue et introduite dans les législations nationales et internationales. Le CPI a déjà fait un pas dans ce sens. L’automne passé, elle a relevé qu’il fallait tenir compte des crimes contre la nature. Notre priorité est aussid’aider les victimes, politiquement etfinancièrement, pour porter plainte. Et puis Marie-Monique Robin est en train de terminer un documentaire sur le Roundup et le glyphosate. Ainsi qu’un making-of pédagogique sur la manière dont des citoyens peuvent s’organiser contre une multinationale, à l’image du Tribunal Monsanto. J’espère que d’autres initiatives naissent partout dans le monde…

Propos recueillis par Aline Andrey

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